Comment le capitalisme est devenu fou

Il accroît les inégalités, accélère les délocalisations, saccage la planète… Le capitalisme financier est incapable en prendre en compte l’intérêt général, accuse Jean Peyrelevade. L’ancien patron du Crédit lyonnais livre dans son dernier ouvrage des pistes pour réformer un système hors contrôle.Le Nouvel Observateur. – Vous décrivez un système où la finance a pris le pouvoir sur l’économie réelle. Comment en est-on arrivé là ?

Jean Peyrelevade. -Au XIXe siècle, le capitalisme était incarné par une classe de grands entrepreneurs propriétaires : Rockefeller pour le pétrole, Ford pour l’automobile. Ou, en France, les « maîtres de forges » Wendel ou Schneider. En face, on avait la masse des prolétaires qui se révoltait contre son exploitation. Mais deux phénomènes ont rendu obsolète cette lecture marxiste du système. Premièrement, à travers l’essor des Bourses et le besoin de financer sa retraite, la classe des propriétaires d’actions s’est considérablement étendue pour inclure 50 % des ménages aux Etats-Unis et 25 % en France. Même avec un revenu modeste, toute personne qui a une petite épargne est aujourd’hui un capitaliste. Deuxièmement, les fonctions de propriétaire et de manager d’entreprise se sont dissociées : le patron d’une société cotée est à présent un simple salarié.

N. 0. – Pour vous, la lutte des classes, c’est fini !

J. Peyrelevade. – Oui, parce la classe ouvrière a disparu, avec le développement des services et la montée de l’individualisme. Et que le patron, lui, n’incarne plus le grand capital. Il est fort bien rémunéré, mais il n’a plus le pouvoir : il n’est qu’un instrument du système. Les nouvelles tensions du capitalisme sont à l’intérieur de chacun d’entre nous : en tant qu’actionnaire et futur retraité, on cherche à maximiser le rendement de notre épargne. En tant que consommateur, on plébiscite les produits et services discount fabriqués à coups de délocalisations. Enfin, en tant que salarié, on veut que notre employeur reste en France et même qu’il augmente nos salaires ! On est tous bourreaux et victimes. Et c’est aussi pour cela que le système est très difficile à réformer.

N. 0. – Mais qui a vraiment le pouvoir dans ce capitalisme-là ?

J. Peyrelevade. – Le système a la forme d’une pyramide. À la base, les quelque 300 millions d’individus qui possèdent les actions : 5 % de la population mondiale, très concentrés dans les pays développés. Ils sont les propriétaires des entreprises, mais parler de « capitalisme populaire » – comme l’a fait autrefois Edouard Balladur – relève du mythe ! Car les actionnaires cadres, employés, ouvriers, retraités ont délégué leur pouvoir au deuxième étage de la pyramide : une dizaine de milliers de gestionnaires de fortune, de compagnies d’assurances, de fonds de pension… Ces professionnels gèrent plus de la moitié des actions de toutes les Bourses du monde : quelque 10 000 milliards de dollars ! Et ce sont eux qui, par délégation, ont vraiment le pouvoir. Ce sont ces « fonctionnaires du capitalisme » qui fixent les normes et les règles de gouvernance qui s’appliquent aux entreprises, à commencer par l’exigence d’un retour sur investissement d’au moins 15 %… Enfin, au sommet de la pyramide, plus identifiables, il y a les managers des quelques milliers d’entreprises cotées. Mais ils doivent obéir aux fonds. Ceux qui n’appliquent pas avec assez de zèle la norme capitaliste sont écartés, ce qui vient d’arriver à Jean-Marc Espalioux chez Accor. Ou bien leur entreprise est boudée par le marché, son cours baisse et elle est alors absorbée par un autre groupe, dont l’action se tient mieux. Car l’une des logiques du système est d’encourager la surconcentration.

N. 0. – Vous dites à la fois que le capitalisme total est une formidable machine à créer de la croissance, mais qu’il va dans le mur…

J. Peyrelevade. – Je ne connais pas d’autre modèle économique capable de fabriquer une telle croissance. N’oublions pas que cette mondialisation capitaliste, si décriée en France, permet aux pays qui en ont le plus besoin de se développer. Depuis vingt ans, les quelque 3 milliards d’habitants des 25 pays en développement les plus avancés (Chine, Inde, Corée du Sud, Mexique… ) ont vu leur revenu par tête croître deux fois plus vite que celui des pays développés. Je suis donc en divorce total avec la critique antilibérale formulée par les altermondialistes et l’aile archaïque du Parti socialiste. Il ne s’agit pas de casser la machine, mais d’éviter son emballement sans contrôle ni contre-pouvoir.

N. 0. – Et quels sont les dangers du système ?

J. Peyrelevade. – Ce capitalisme financier a pour unique objectif la création de richesse pour l’actionnaire. Incapable de prendre en compte l’intérêt général, il crée une économie de rente au détriment de la production. Les marchés boursiers ne peuvent pas continuer à progresser de 10 % par an, alors que l’économie réelle croit de 3 % ! Le capitalisme total crée d’inacceptables inégalités et bafoue le développement durable, respectueux de l’environnement et de l’humain… En effet, les normes de rentabilité incitent les sociétés à brider les salaires et à accélérer les délocalisations pour produire toujours moins cher. D’où la multiplication des drames sociaux dans nos pays développés. Enfin, le système n’est ni économiquement ni écologiquement tenable sur la durée. Si la Chine et l’Inde alignaient leur consommation énergétique sur celle des Etats-Unis, les ressources de la planète n’y suffiraient pas !

N. 0. – Que peut-on faire pour limiter la puissance de ce capitalisme financier ?

J. Peyrelevade. -Aux Etats-Unis, la politique est au service de l’actionnariat. Est-ce notre objectif ? Non. Le pouvoir politique doit donc agir et réguler celui de l’actionnaire. On peut d’abord encourager une détention plus longue des titres. Actuellement les actionnaires sont de véritables passagers clandestins, qui embarquent pour seulement quelques mois dans le capital des sociétés, puis revendent leurs actions. On peut imaginer une incitation fiscale ou offrir des dividendes supérieurs à ceux qui conservent leurs titres. Seconde piste essentielle, il faut redonner aux chefs d’entreprise une certaine marge de manœuvre par rapport aux diktats des marchés financiers. Il faut dissocier leur rémunération des mouvements de la Bourse : je propose de supprimer les stock-options. Enfin, il faut arrêter de favoriser systématiquement les fusions et acquisitions… En Bourse, le lion mange toujours la gazelle, alors que celle-ci peut avoir un modèle de développement plus conforme à l’intérêt général.

N. 0. Vous voulez interdire les OPA ?

J. Peyrelevade. -Absolument pas ! Mais le capitalisme considère que l’espace mondial doit obéir à des règles et des normes juridiques ou financières identiques à Paris, à Londres ou à New York. Or, entre des territoires nationaux avec des politiques, des peuples, des langues et des mentalités différents, le jeu n’est pas égal. L’économie américaine est cinq fois plus grosse que celle de la France. Dans de nombreux secteurs, à talent égal, leurs entreprises sont donc cinq fois plus grosses et pourraient en théorie avaler n’importe quel concurrent européen.

N. 0. -Vous vous attaquez au dogme de la liberté de mouvement des capitaux…

J. Peyrelevade. – Il ne faut pas tout confondre. Il y a trois volets dans le libéralisme. D’abord la liberté de circulation des marchandises et des services. J’y suis favorable. Puis il y a la liberté des mouvements de capitaux, plus problématique, car la brutalité des flux participe aux déséquilibres financiers… Enfin il y a la liberté des mouvements de propriété des entreprises. Là, l’intérêt général est directement en cause. La nationalité d’une entreprise, cela a encore de l’importance.

N. 0. -Alors que faire ?

J. Peyrelevade. – On peut imaginer, comme pour la concurrence, une autorité indépendante habilitée à poser des conditions. Par exemple, si Pepsi veut acheter Danone, elle s’assurerait que les deux groupes se trouvent dans des situations symétriques. Ce qui n’est justement pas le cas : Pepsi, à ma connaissance, est protégé des OPA hostiles par des dispositifs juridiques du type « pilule empoisonnée ». Cette autorité dirait oui dans 95 % des cas, mais aurait aussi les moyens de dire non. C’est quand même extraordinaire qu’on puisse interdire une fusion au nom de la concurrence, mais pas au nom de la politique industrielle ou de l’intérêt général d’une nation… Il faut soumettre le capitalisme aux valeurs de la démocratie !

Propos recueillis par Dominique Nora, Thierry Philippon et Jean-Gabriel Fredet, 29 septembre-5 octobre 2005.

À lire : « Le Capitalisme total » par Jean Peyrelevade, Éditions du Seuil, 96 p., 10,50€.

Inégalités croissantes
8,3 millions de ménages possèdent 30 % du patrimoine marchand de la planète (77 000 ménages, 15 %), alors que 2,8 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour.

Des fonds surpuissants
Fonds de pension et fonds mutuels détenaient conjointement moins de 3 % du stock des actions cotées en 1950 et près de 40 % à la fin des années 1990. Les fonds de pension américains gèrent aujourd’hui plus de 10 000 milliards de dollars, dont la moitié en actions, soit trois fois la capitalisation boursière de Paris.

Tout pour l’actionnaire
Selon la théorie, la Bourse finance les entreprises. Le balancier s’est inversé. Désormais, les sociétés distribuent plus d’argent à leurs actionnaires qu’elles ne lèvent d’argent sur le marché financier. La part des dividendes dans le revenu national est passée en France de 2,3 % en 1969 à 7,9 % en 2003 (Insee).

Les nouveaux maîtres de la finance
Ce sera un des coups financiers de l’année. Il y a deux semaines, Ford a cédé Hertz, numéro un mondial de la location de voitures, dans une transaction de 15 milliards de dollars. Les nouveaux propriétaires : trois sociétés de capital investissement, dont la plus illustre, Carlyle Group, a levé au cours des derniers mois plus de 10 milliards de dollars. Créé en 1987 dans les salons du palace new-yorkais du même nom, Carlyle est l’emblème de ces nouveaux géants de la finance. Il mêle à la fois des financiers et d’anciens hommes politiques, comme l’ancien secrétaire d’État James Baker. La puissance de ces fonds inquiète. Le président du Parti social-démocrate allemand les accuse d’être prêts à tout ravager sur leur passage, comme des « nuées de sauterelles ». Grâce à l’argent collecté auprès de banques, de compagnies d’assurances, ou de riches particuliers attirés par la perspective d’un retour sur investissement de 20 %, ils achètent les perles du capitalisme en utilisant la technique du levier financier : un versement en cash limité et un recours massif à la dette. À charge ensuite à la société rachetée de générer très vite du cash pour rembourser. Aujourd’hui, ces fonds réalisent une opération de fusion et acquisition sur deux. En France, ils sont au capital d’entreprises qui pèsent 8,5 % du PIB.

L’ère des PDG millionnaires
Les actionnaires de Vinci sont à la fête et son PDG au paradis. Le leader du BTP mondial affiche la meilleure performance du CAC 40. Sous son règne, le cours de l’action a été multiplié par onze depuis 1996 et Antoine Zacharias (66 ans) a fait fortune. Le PDG de Vinci, inconnu du grand public, est pourtant l’un des patrons les mieux payés de France. L’an dernier, il a reçu 3,4 millions d’euros de salaires, sans compter les dividendes et les stock-options. Antoine Zacharias a follement enrichi ses actionnaires. En retour, son conseil d’administration lui a fait un pont d’or. Le patron de Vinci a même décidé, l’an dernier, que sa rémunération serait à l’avenir totalement indexée sur les performances de son entreprise. Tout un symbole. Sa plus-value potentielle sur les stock-options qu’on lui a généreusement distribuées s’élève à 100 millions d’euros. Une somme qu’il juge légitime : sous sa houlette, son groupe a détrôné Bouygues, il est devenu le numéro un des parkings en France. Il gère déjà Cofiroute, et s’il réussit à faire main basse sur les Autoroutes du sud de la France, lors de la privatisation, il exploitera 20 % des autoroutes. Et puis Zacharias, qui a inculqué la culture du profit à ses troupes, les fait aussi participer au festin : les salariés sont les premiers actionnaires avec 10 % du capital. Le patron de Vinci a lié leur destin à celui de la Bourse.

Salariés contre actionnaires
« Tout pour l’actionnaire : y en a marre ! » Tel aurait pu être le slogan de la grève courte, mais symbolique, des salariés de Terreal, début septembre. Cette PME française de tuiles en terre cuite, cédée en octobre 2003 par Saint-Gobain pour 400 millions d’euros aux fonds d’investissement Carlyle et Eurazeo, a été revendue en août dernier au fonds LBO France pour 860 millions d’euros. Les heureux actionnaires financiers ont ainsi réalisé… 460 millions d’euros de plus-value, en moins de deux ans, sur une entreprise qui n’affiche que 371 millions de chiffre d’affaires et 17 millions de résultat net en 2004 !
Seuls une dizaine de hauts managers de Terreal, qui détenaient une partie du capital, ont participé au festin. Mais rien pour les quelque 2 300 autres employés, répartis sur 22 sites de production… Du coup, les négociations salariales de rentrée se sont faites à coup de blocus d’usines, jusqu’à ce que l’intersyndicale arrache à la direction une augmentation supplémentaire de 1 % sur les salaires et 100 euros de mieux sur la prime exceptionnelle. Soit 3 à 4 millions d’euros de concessions. Tirant la leçon de ce conflit symbolique, LBO France songe à présent négocier un intéressement plus large des salariés au sort de Terreal.

Les nouveaux scandales boursiers
Au départ, il y a une compagnie régionale de distribution de gaz, fondée par un garçon d’origine modeste devenu riche et célèbre à force de travail, incarnation du rêve américain et chouchou de Wall Street. Une entreprise, nommée cinq années de suite société la plus innovante par le magazine « Fortune ». À l’arrivée, à l’automne 2001, un géant de l’énergie, nommé Enron, qui implose, réduisant en fumée 60 milliards de dollars. Des montages inouïs : le groupe avait même créé une fausse salle de courtage d’électricité pour impressionner les analystes. Son PDG, Kenneth Lay, et 26 dirigeants ont provoqué la perte d’emploi et la ruine de 20 000 salariés, virés sans indemnités faute de trésorerie, après avoir été convaincus par leurs dirigeants d’investir leurs économies dans le plan d’épargne-retraite maison. Le capitalisme total est-il devenu un pousse-au-crime ? Faute d’atteindre les sacro-saints retours sur investissement imposés par les marchés, certaines entreprises sont tentées de les « fabriquer »… Après Enron, Tyco ou World Com aux États-Unis, l’affaire Parmalat a secoué l’Europe. Administrateurs « légers », analystes financiers sous influence, auditeurs complices, conseillers stratégiques aveugles et banquiers en conflits d’intérêts… les verrous sont inopérants et les lois insuffisantes.

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Les américains ne veulent pas fabriquer de chaussures…

Michael Moore – The Big One

Face à la droite décomplexée, choisissons la gauche non complexée

En cette période de perte généralisée des repères politiques, comment caractériser la différence entre un candidat ou un élu de gauche et un candidat (ou un élu) de droite ?

Le candidat/élu de gauche dit franchement ce qu’il pense de la société dans laquelle nous vivons, ce qu’il souhaite faire changer, comment il pense y arriver, etc.

Le candidat/élu de droite est obligé de travestir, pour le moins, ce qu’il pense, ce qu’il souhaite, comment y arriver, etc., de reformuler tout cela de façon acceptable, car, s’il devait dire les choses telles qu’il les pense, il n’aurait aucune chance d’atteindre une quelconque majorité, les Français ayant réellement intérêt à son élection ne représentant que quelques pourcents de la population.

Prenons un exemple : le célèbre « travailler plus, pour gagner plus », critique radicale des 35 heures mais aussi en principe promesse de gains salariaux nouveaux. Allons voir un peu ce qui se cache derrière tout cela…

Les Français travaillent en moyenne 36,4 heures par semaine (chiffres Eurostat). Beaucoup moins que leurs collègues européens, nous dit-on à droite, ce qui est la cause de tous nos maux.

La réalité ?

Un Anglais travaille en moyenne 36,5 heures par semaine, un Allemand 34,5, un Hollandais 29,8 !

Et n’oublions pas que le Français est un champion en matière de productivité : dans un même laps de temps de travail, il produit 23 % de plus qu’un Allemand !

Quant au coût réel de la main-d’œuvre pour les entreprises, il a augmenté de 15 % en France depuis 10 ans, contre 34 % en Angleterre, 28 % en Espagne ou encore 24 % aux États-Unis.

Le problème n’est donc pas la fainéantise du travailleur hexagonal, dont les chiffres soulignent au contraire l’efficacité.

Tout cela n’empêche pas que le coût du travail soit jugé en France beaucoup trop élevé par les entreprises, que les salaires des pays d’Europe de l’Est, et plus encore des pays asiatiques, font fantasmer.

Il est clair que, la richesse créée se partageant entre le travail et le capital, plus petite est la part du premier, plus grosse est celle du second : l’équation est difficilement contournable.

L’objectif est donc de faire baisser la rémunération du travail, mais la droite, qui est d’accord là-dessus, ne peut pas le dire comme cela, car les salariés français ont un défaut majeur : ils ont le droit de vote, et ils pourraient prendre ombrage d’une telle perspective.

Or, que se passe-t-il si l’on travaille 39 heures (ou plus) au prix de 35 ?

On voit son salaire diminuer puisqu’il faudra travailler plus longtemps pour gagner le même nombre d’euros.

Il suffira de faire des heures supplémentaires ?

Outre que faire des heures supplémentaires, c’est quand même travailler davantage, et que donc le minimum est d’être rémunéré pour cela, la proposition de Nicolas Sarkozy d’exonérer ces heures de charges sociales revient aussi à diminuer la rémunération du travail.

Car à quoi servent les charges sociales, sinon à financer la protection sociale, la Sécu, les retraites, etc., qui sont, ne l’oublions jamais, du salaire différé, épargné collectivement et mutualisé pour être disponible sans problème au moment voulu (maladie, vieillesse…).

De ce fait, toute exonération de charges sociales consentie aux entreprises, qui on le sait remet en cause le financement de notre système social, revient concrètement à diminuer les salaires et le pouvoir d’achat.

Point besoin d’avoir fait maths sup pour se rendre compte que si, lorsque mon enfant est malade et que je dois débourser 100 euros pour le médecin et les médicaments, on ne me rembourse plus que 50 euros (ou 40, ou 30…) au lieu de 75 ou 80 auparavant parce que la Sécurité sociale n’est plus correctement financée, le pouvoir d’achat global de mon salaire a baissé.

Mieux vaut y réfléchir avant d’approuver ce genre de mesure… On traduira donc en bon français « travailler plus pour gagner plus » par « travailler plus et gagner moins », et on sera plus proche de la réalité.

Mais que propose le candidat de gauche en la matière ?

Je parle bien sûr d’un candidat de la gauche non complexée, comme un candidat PCF par exemple.

Il met au centre de sa réflexion la nécessité première, incontournable, d’une répartition juste de la richesse créée par les femmes et les hommes qui travaillent au sein des entreprises, privées ou publiques, et qui sont les seuls véritables acteurs de cette création.

(À ceux qui en douteraient, je suggère l’expérience suivante : placez quelques dizaines de machines parmi les plus performantes actuellement dans un hangar, ajoutez-y quelques millions d’euros sous la forme de votre choix [lingots d’or, billets, monnaie virtuelle, peu importe…], fermez le hangar hermétiquement afin qu’absolument aucun être humain ne puisse y pénétrer, attendez un an [ou dix, ou cent…], ouvrez et faites le compte de la richesse créée.)

Il n’aura donc pas peur de proposer une hausse immédiate du SMIC et plus globalement des salaires, outil premier de ce rééquilibrage.

Le candidat de la gauche non complexée défend dans la même logique le maintien, et le développement, d’une protection sociale de très haut niveau, car il croit aussi que sans solidarité entre leurs membres les sociétés humaines sont invivables et ingérables.

Il refuse bien sûr pour les mêmes raisons que soit repoussé l’âge de départ à la retraite. Il propose en toute cohérence que l’on poursuive dans le sens de la réduction du temps de travail, autre levier du rééquilibrage du partage de la richesse créée.

D’autant qu’une part importante du chômage que subissent les pays très développés comme la France provient du fait que les gains considérables de productivité du travail n’ont pas été compensés par une diminution correspondante du temps travaillé par chacun, et n’ont pas non plus été redistribués, sous forme d’augmentations, aux salariés. Ceux-ci auraient pu alors, après avoir enfilé leur costume de consommateurs, générer la création de nouveaux emplois, nécessaires pour produire les biens et les services supplémentaires que la hausse de leur pouvoir d’achat leur aurait permis de s’offrir.

Bref, le candidat de la gauche non complexée veut mettre en place le cercle vertueux qui reconnaît à l’être humain toute sa place de moteur de l’économie, dont aucune loi ne s’impose à lui puisqu’il les a toutes inventées et qu’il a donc tout loisir de les faire évoluer : je travaille, je crée de la richesse, j’en reçois toute ma part, j’en épargne éventuellement une partie, j’en dépense l’autre partie pour satisfaire mes besoins et mes désirs, je fais donc circuler de la richesse et utilise les résultats du travail d’autrui, qui crée de la richesse, etc., etc.

Un engrenage véritablement « gagnant-gagnant » qui, lui, dit ce qu’il est pour ce qu’il est.

Le candidat de gauche souhaite d’ailleurs qu’il en soit de même dans toute l’Europe (il a donc voté non au référendum sur la Constitution européenne) et bien sûr dans le monde entier, puisque partout en la matière les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Au PC, nous sommes de gauche, et bien sûr nous n’en avons aucun complexe…

Marie-Luce Nemo

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Les profits du CAC 40 ont progressé de 1494,1 % entre 2002 et 2006

Dans le même temps les emplois des entreprises du CAC 40 reculaient de 0,3 %