Face à la droite décomplexée, choisissons la gauche non complexée

En cette période de perte généralisée des repères politiques, comment caractériser la différence entre un candidat ou un élu de gauche et un candidat (ou un élu) de droite ?

Le candidat/élu de gauche dit franchement ce qu’il pense de la société dans laquelle nous vivons, ce qu’il souhaite faire changer, comment il pense y arriver, etc.

Le candidat/élu de droite est obligé de travestir, pour le moins, ce qu’il pense, ce qu’il souhaite, comment y arriver, etc., de reformuler tout cela de façon acceptable, car, s’il devait dire les choses telles qu’il les pense, il n’aurait aucune chance d’atteindre une quelconque majorité, les Français ayant réellement intérêt à son élection ne représentant que quelques pourcents de la population.

Prenons un exemple : le célèbre « travailler plus, pour gagner plus », critique radicale des 35 heures mais aussi en principe promesse de gains salariaux nouveaux. Allons voir un peu ce qui se cache derrière tout cela…

Les Français travaillent en moyenne 36,4 heures par semaine (chiffres Eurostat). Beaucoup moins que leurs collègues européens, nous dit-on à droite, ce qui est la cause de tous nos maux.

La réalité ?

Un Anglais travaille en moyenne 36,5 heures par semaine, un Allemand 34,5, un Hollandais 29,8 !

Et n’oublions pas que le Français est un champion en matière de productivité : dans un même laps de temps de travail, il produit 23 % de plus qu’un Allemand !

Quant au coût réel de la main-d’œuvre pour les entreprises, il a augmenté de 15 % en France depuis 10 ans, contre 34 % en Angleterre, 28 % en Espagne ou encore 24 % aux États-Unis.

Le problème n’est donc pas la fainéantise du travailleur hexagonal, dont les chiffres soulignent au contraire l’efficacité.

Tout cela n’empêche pas que le coût du travail soit jugé en France beaucoup trop élevé par les entreprises, que les salaires des pays d’Europe de l’Est, et plus encore des pays asiatiques, font fantasmer.

Il est clair que, la richesse créée se partageant entre le travail et le capital, plus petite est la part du premier, plus grosse est celle du second : l’équation est difficilement contournable.

L’objectif est donc de faire baisser la rémunération du travail, mais la droite, qui est d’accord là-dessus, ne peut pas le dire comme cela, car les salariés français ont un défaut majeur : ils ont le droit de vote, et ils pourraient prendre ombrage d’une telle perspective.

Or, que se passe-t-il si l’on travaille 39 heures (ou plus) au prix de 35 ?

On voit son salaire diminuer puisqu’il faudra travailler plus longtemps pour gagner le même nombre d’euros.

Il suffira de faire des heures supplémentaires ?

Outre que faire des heures supplémentaires, c’est quand même travailler davantage, et que donc le minimum est d’être rémunéré pour cela, la proposition de Nicolas Sarkozy d’exonérer ces heures de charges sociales revient aussi à diminuer la rémunération du travail.

Car à quoi servent les charges sociales, sinon à financer la protection sociale, la Sécu, les retraites, etc., qui sont, ne l’oublions jamais, du salaire différé, épargné collectivement et mutualisé pour être disponible sans problème au moment voulu (maladie, vieillesse…).

De ce fait, toute exonération de charges sociales consentie aux entreprises, qui on le sait remet en cause le financement de notre système social, revient concrètement à diminuer les salaires et le pouvoir d’achat.

Point besoin d’avoir fait maths sup pour se rendre compte que si, lorsque mon enfant est malade et que je dois débourser 100 euros pour le médecin et les médicaments, on ne me rembourse plus que 50 euros (ou 40, ou 30…) au lieu de 75 ou 80 auparavant parce que la Sécurité sociale n’est plus correctement financée, le pouvoir d’achat global de mon salaire a baissé.

Mieux vaut y réfléchir avant d’approuver ce genre de mesure… On traduira donc en bon français « travailler plus pour gagner plus » par « travailler plus et gagner moins », et on sera plus proche de la réalité.

Mais que propose le candidat de gauche en la matière ?

Je parle bien sûr d’un candidat de la gauche non complexée, comme un candidat PCF par exemple.

Il met au centre de sa réflexion la nécessité première, incontournable, d’une répartition juste de la richesse créée par les femmes et les hommes qui travaillent au sein des entreprises, privées ou publiques, et qui sont les seuls véritables acteurs de cette création.

(À ceux qui en douteraient, je suggère l’expérience suivante : placez quelques dizaines de machines parmi les plus performantes actuellement dans un hangar, ajoutez-y quelques millions d’euros sous la forme de votre choix [lingots d’or, billets, monnaie virtuelle, peu importe…], fermez le hangar hermétiquement afin qu’absolument aucun être humain ne puisse y pénétrer, attendez un an [ou dix, ou cent…], ouvrez et faites le compte de la richesse créée.)

Il n’aura donc pas peur de proposer une hausse immédiate du SMIC et plus globalement des salaires, outil premier de ce rééquilibrage.

Le candidat de la gauche non complexée défend dans la même logique le maintien, et le développement, d’une protection sociale de très haut niveau, car il croit aussi que sans solidarité entre leurs membres les sociétés humaines sont invivables et ingérables.

Il refuse bien sûr pour les mêmes raisons que soit repoussé l’âge de départ à la retraite. Il propose en toute cohérence que l’on poursuive dans le sens de la réduction du temps de travail, autre levier du rééquilibrage du partage de la richesse créée.

D’autant qu’une part importante du chômage que subissent les pays très développés comme la France provient du fait que les gains considérables de productivité du travail n’ont pas été compensés par une diminution correspondante du temps travaillé par chacun, et n’ont pas non plus été redistribués, sous forme d’augmentations, aux salariés. Ceux-ci auraient pu alors, après avoir enfilé leur costume de consommateurs, générer la création de nouveaux emplois, nécessaires pour produire les biens et les services supplémentaires que la hausse de leur pouvoir d’achat leur aurait permis de s’offrir.

Bref, le candidat de la gauche non complexée veut mettre en place le cercle vertueux qui reconnaît à l’être humain toute sa place de moteur de l’économie, dont aucune loi ne s’impose à lui puisqu’il les a toutes inventées et qu’il a donc tout loisir de les faire évoluer : je travaille, je crée de la richesse, j’en reçois toute ma part, j’en épargne éventuellement une partie, j’en dépense l’autre partie pour satisfaire mes besoins et mes désirs, je fais donc circuler de la richesse et utilise les résultats du travail d’autrui, qui crée de la richesse, etc., etc.

Un engrenage véritablement « gagnant-gagnant » qui, lui, dit ce qu’il est pour ce qu’il est.

Le candidat de gauche souhaite d’ailleurs qu’il en soit de même dans toute l’Europe (il a donc voté non au référendum sur la Constitution européenne) et bien sûr dans le monde entier, puisque partout en la matière les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Au PC, nous sommes de gauche, et bien sûr nous n’en avons aucun complexe…

Marie-Luce Nemo

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